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Je dépliai le bout de papier et lis :
"Ma chérie, tu croyais que c'était maman ? Raté ! Je vous connais par cœur, je savais que maman avait l'habitude de t'envoyer des petits mots dès que l'occasion s'y prêtait. Le sien est probablement dans ta valise. Bon, il aurait fallu qu'on parle avant ton départ, mais tu t'entêtes à ne pas vouloir te livrer à moi. Célia, je te connais mieux que tu crois te connaître, tu n'es pas une peste. Tu ne l'as jamais été et tu ne pourras jamais l'être. La méchanceté gratuite ne fait en aucun cas partie de toi. Même quand tu fais de la peine aux gens qui t'entourent, tu te demandes ce qui ne va pas chez toi, si c'est normal. Tu ne te rends pas compte de ce que tu as en toi. Tu es talentueuse mais ce que tu ne sais pas c'est que ta musique a perdu son éclat d'antan. La Célia de 11 ans, même avec moins de technique, chantait beaucoup mieux, parce qu'elle y mettait du cœur. Tu as perdu cette part de toi. J'ai toujours pensé que tu adorais le chant, mais là je commence à avoir des doutes. Je voulais que tu vois les choses d'un œil neuf, que tu y penses autrement. N'as-tu jamais été aussi bien que quand tu écoutais de la musique ou que tu chantais ? Je ne crois pas. Tes yeux brillaient quand tu te livrais à l'apprentissage de nouvelles paroles, d'une nouvelle mélodie, bien plus que quand tu étais avec moi. Ce n'est pas que je doute de tes sentiments envers moi -on dirait deux amoureux- mais ça c'est ta passion. Je veux retrouver ma sœur plus passionnée que jamais. S'il te plait, ne t'isole pas du groupe. Je n'ai jamais oublié, ce regard, cette déception dans tes yeux lorsque j'ai annoncé que je partais pour aller à Londres. Sache que tu es toute ma vie, princesse. Tu penses que j'ai toujours été populaire, oui c'est vrai. J'ai toujours eu des amis de passage, leur amitié ne fut qu'éphémère. Ils ne pleureront peut être pas mon absence quand je mourrai, mais ils m'ont maintes fois donné le sourire. Je conçois leur présence comme celle de l'étoile qui guide les marins la nuit tombée mais qui disparaît quand le jour se lève. Fais toi des amis, ils t'aideront à traverser des moments durs, disparaîtront peut être mais ils auraient été là pour toi, ne serait-ce qu'un certain temps. Et les amitiés que nous faisons nous forgent au fil du temps, presqu'autant que les défaites et les échecs. Je ne suis pas en train de justifier mon absence, je ne t'ai pas laissé et je serai toujours là. Mais ma chérie, apprends à vivre au jour le jour, à ne plus en vouloir aux autres. Malgré le mal qu'ils peuvent te faire, tu es forte. Tu dois savoir que la vie est un champ de bataille où l'on ne se fait pas souvent de cadeaux et tu dois te donner à fond jusqu'à ton dernier souffle. Mais même en guerre, les soldats tissent des liens, alors arrête de t'isoler du monde et retrouve ta joie de vivre. Reviens avec tout plein d'étoiles dans les yeux et dans le cœur. Trouve-toi car tu t'es perdu lorsque tu as laissé tes peines prendre le dessus. Ton sourire est le plus beau cadeau que tu puisses nous faire, mais c'est aussi le meilleur remède à tes chagrins. Je t'aime ma chérie et je te prépare une petite surprise." J'avais les larmes aux yeux, ce message avait peut-être brisé la carapace ou au moins fissuré ce bouclier qui m'entoure, mais.. Je n'allais pas pour autant me livrer au premier venu, je n'allais me livrer à personne. Je hais ce moment. Je suis vraiment vulnérable. J'ai finalement appris quelque chose et je regarde la vérité en face. Je n'ai jamais été capable de le détester, je n'ai pas arrêté de l'aimer, à aucun moment. Je me voilais la face pendant tout ce temps et là j'étais face à ma plus grande peur : reprendre là où nous étions et le regretter à nouveau. Je regardais par le hublot en pleurant. J'ai laissé une part du passé, mes souvenirs si précieux me submerger et là j'étais à bout de nerfs, perdue. Pourquoi tu me fais ça ? - Besoin d'un mouchoir ? - Quoi ?, répondis-je en sursautant. Je me retournais et là il y avait un garçon du groupe dont le nom ne me venait pas vraiment à l'esprit. - C'est Baptiste. Je suis désolé, tu voulais peut-être être seule, mais je n'ai pas trouvé meilleure compagnie ailleurs. Et en fait, toutes les autres places du groupe sont prises. - Comment ? Je m'essuyai les larmes avec le mouchoir qu'il m'avait tendu. - En fait, on était dans le même lycée. - Vraiment ? - Ouais, tu n'as pas dû le remarquer, tu étais toujours seule dans ton coin. On disait que tu étais bizarre. Tu sais quoi ? Moi j'admirais ta façon de faire, tu ne te souciais pas de ce que les autres disaient. - Ah .. - C'était donc juste un faux semblant ? - Non ce n'est pas ce que j'ai dit. - C'est ce que j'ai perçu pourtant. Me sentant gênée, il changea de sujet : - Bref, félicitations pour ton bac. Je savais que tu étais douée, mais j'étais quand même impressionné. On était dans la même classe en 5ème, ça ne te dis toujours rien, pas vrai ? - Je suis navrée, je ne t'ai jamais remarqué. Ce n'est pas que tu ne te fasses pas remarquer, c'est plutôt que je ne remarquais personne. - Tu préfères, en général, être seule. Je sais, mais une chose m'intrigue. Pourquoi tu es là ? - On m'a un peu forcé la main. - Tu ne m'a pas l'air d'être là contre ton gré. La petite Célia, toujours seule, est-elle en train de se surprendre à apprécier la compagnie d'autres personnes ? On sourit. Il avait peut être bien raison, disons que je commençais vraiment à me laisser aller. Je ne laisserais personne voir combien je souffre au fond mais c'est vrai que l'interaction avec d'autres personnes n'est pas une expérience aussi effrayante que je l'ai toujours cru. - Peut être bien après tout, lançai-je. - C'est cool alors. - Alors, ton bac, tu l'as eu ? - Bien sûr, même si je n'ai pas été aussi bien que toi. - Félicitations alors, apparemment c'est énorme d'avoir son bac. - Pourquoi ? Tu ne trouves pas que c'est une réussite ? - Je ne sais pas quoi en penser, mais ça ne m'impressionne pas. - C'est super, sinon c'est lequel des pays qu'on visite qui te tente le plus ? - Probablement l'Espagne. - Tu n'y as jamais été ? Pourtant j'ai entendu que vous étiez riches. Et l'Espagne, ce n'est pas le pays qui me venait à l'esprit en pensant à toi. - Oui, mes parents gagnent assez bien leur vie. Mais je n'aimais pas trop voyager. - Pourquoi ? Parce qu'avant mes 12 ans, je ne voulais pas trop aller ailleurs, je voulais juste qu'Isaac m'emmène au parc d'attractions, à la piscine... Je voulais juste qu'on passe du temps ensemble en espérant que les parents rentreraient. Puis après, je voulais juste m'enfermer dans ma chambre pour éviter de m'attacher. Mais ça je ne pouvais pas le dire ouvertement, surtout pas à un inconnu. Je me décidai enfin à répondre, visiblement il savait que j'étais perdue dans mes pensées mais ne m'en tirait pas. - Je ne sais pas vraiment. - Disons plutôt que c'est assez compliqué. - Tout à fait. C'était amusant comment il arrivait à savoir ce qui me tracassait et qu'il n'insistait pas trop. - Alors tu as fait la connaissance d'autres personnes ? - Toi, et il y a eu Yohan, il est assis un peu plus devant, il est ici avec sa sœur Lorie. - Ah, le blond ! - Oui, c'est lui. - Il a vraiment l'air sympa. - Il a été adorable avec moi. - Tu lui as plu peut être.
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