Nous arrivons au conservatoire municipal de musique de Barcelone. Ce bâtiment que je pensais trouver banal me subjuguait. Deux tours très hautes encadraient la construction nous faisant face, avec sa façade en pierre jaune. Puis deux ailes partaient en biais au loin, toutes deux de couleur brique. Je fis quelques pas, suivant le groupe, puis m’arrêta une dernière seconde pour admirer la splendeur du sommet de ces tours frôlant le ciel bleu ce jour-là. Nous pénétrâmes à l’intérieur pour découvrir une enceinte toujours aussi belle mais plus moderne à la fois. Je n’eus pas le temps de m’attarder et nous n’avons pas pu visiter le conservatoire non plus, nous devions entamer le cours au plus vite. Julio nous demanda de nous mettre en cercle autour de lui sur la scène, puis se présenta. « Bonjour, je suis donc votre professeur de musique au cours de ce voyage. Je m’appelle Julio comme vous le savez tous. J’ai 29 ans. Je suis espagnol, originaire de Séville et je me suis installé en France depuis quelques années dans la région de Bordeaux. Je me produis sur des petites scènes de la ville. J’adore la musique depuis tout petit. Je joue du violon et de la guitare et même si j’ai commencé en chantant espagnol, aujourd’hui j’écris plutôt des textes en anglais. Et je chante très souvent accompagné de ma guitare, j’aime la douceur de cette musique et j’aime porter un message à mon audience. Maintenant, à vous. » Puis il prit place dans notre ronde et nous regarda, nous avions compris qu’il attendait que chacun de nous se présente et fasse comme lui. Léonie se leva et se présenta non sans gêne, avant que Julio l’interrompt pour lui demander de se mettre au centre et de nous regarder l'un après l'autre pour s’adresser à chacun de nous. « Salut, je m’appelle Léonie, j’ai commencé à chanter et jouer il y a peu. J’ai 20 ans. Je pense avoir appris ma première chanson à l’âge de 16 ans, pour l’anniversaire de mon père qui est fan des Beatles. J’ai donc chanté avec mon frère Come Together et j’ai adoré ce moment. C’est là que ma passion pour le rock est née, j’ai appris par la suite à jouer de la batterie. Peut-être pour évacuer ma colère d’ado. Mais au moins, ça a donné un sens à ma vie. C’est ma musique ! Je veux être une rockeuse, je suis là tout de même pour améliorer éventuellement mon chant et probablement arriver encore plus à me découvrir. Voilà ! » Son sourire contagieux à la fin de sa tirade donna le courage aux autres. Ines et Stéphane se présentèrent alors avec plus d’aisance. Puis Sidoine se lança. Il nous regarda l’un après l’autre et quand son regard se posa sur moi, je me perdis dans le vert de ses yeux. Ce n’est pas un vert commun, comme si c’était une couleur d’yeux commune, mais c’était un vert presque gris, un peu triste et pourtant au centre quelques nuances de jaune se mêlaient à cette couleur, y amenant plus de chaleur. Son teint mat accentuaient la beauté de cette couleur. Je voyais ses lèvres bouger, ses yeux cligner. Mais je n’entendais qu’à moitié ce qu’il nous livrait et pourtant je m’efforçais à me concentrer sur le son de sa voix. Puis, il sourit et tous mes efforts de concentration s’évanouirent. Je compris par la suite qu’il avait toujours baigné dans la musique, son père étant musicien. Et qu’il aimait toute la musique, qu’il avait tout essayé et qu’il adorait le sentiment d’être sur scène, de se livrer à un public. Pendant que j’étais comme transportée vers l’enfance joyeuse qu’avait pu connaître ce garçon, ce jeune homme, les regards se tournaient vers moi. Je pris conscience qu’il fallait que je me lance. Qu'il ne restait plus que moi. Je me mis au centre du cercle, regardai les autres tout en évitant leur regard soutenu. « Bonjour, je m’appelle Célia, j’ai 18 ans et ça fait 6 ans que je n’ai plus touché à ma guitare ni à mon ukulélé. J’ai commencé à jouer à l’âge de 8 ans. Ces six dernières années, j’ai tout de même appris à jouer du piano et j’ai continué les cours de chant, mais je n’ai pas souvent chanté en dehors de mes cours. Je n’ai jamais chanté devant qui que ce soit d’autre que mes profs et mon frère. Je ne sais pas quel style de musique me conviendrait le plus, il parait que je pourrais me tenter à de l’opéra si je le voulais. Mais je n’ai jamais essayé. » Et je retrouvai aussitôt ma place. Je sentais la chaleur me monter au crâne. Je devais être toute rouge. Je pris le temps de me calmer. Julio nous expliqua que nous allions avoir des cours théoriques, mais surtout beaucoup de fun, aujourd’hui par exemple, il nous demandait à tous de lui livrer notre chanson préférée. Nous avions le choix de choisir une chanson française ou pas. Sidoine se lança en premier cette fois pour nous livrer une version émouvante de Stay with Me de Sam Smith. Il avait une cassure dans la voix qui brisait le cœur à chaque fin de phrase. Et à chaque fin de phrase, on suppliait pour avoir la suivante. Quand sa démonstration haute en émotions pris fin, j’avais l’impression d’avoir perdu quelqu’un, d’avoir envie de pleurer mais en même temps de sourire. Puis, Stéphane pris la relève pour nous livrer une chanson plus joyeuse, Happy de Pharell Williams. Il l’incarnait tellement bien. Il dansait en chantant et j’avais l’impression que mon cœur dansait au rythme de sa voix et que mon corps n’attendait que de bouger avec lui. Ines s’attaqua à Emmenez-moi de Charles Aznavour, et la joua, l’incarna comme si cette chanson devenait sienne. Plus les personnes et les chansons se succédaient, plus je me sentais dépossédée. Je ne voulais pas passer après eux, je ne voulais pas être la moins bonne des cinq. Et Léonie, nous chanta Come together, cette chanson qui lui avait fait découvrir son amour du rock. Son âme de rockeuse nous enchanta. J’étais jalouse de cette lueur dans ses yeux, de cette passion qui émanait d’elle. J’allais me ridiculiser mais au rythme de quelle chanson, allais-je le faire ? Rien, nada. Je n’arrivais pas à penser à la moindre chanson. Pas de mélodie en tête. Aucune parole ne me venait à l’esprit. Mais je devais trouver quelque chose. Je fermai les yeux, pris une grande inspiration et me dirigeai vers le centre de cette ronde avec comme une évidence en tête.
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